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Article Publication logo novembre 12, 2020

La récolte artisanale du miel dans la Likouala : impact sur les abeilles et sur l’environnement

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Insect house hotel made out of natural wood material created to provide shelter for insects to prevent their extinction. Image by Shutterstock.
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«Quand nous trouvons une ruche, si l’arbre est difficile à grimper, nous le coupons, pour nous...

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The Congo river in Dongou, Likouala district. Image by Alexandra Tyukavina/Shutterstock. Republic of Congo (Congo Brazzaville), 2014.
The Congo river in Dongou, Likouala district. Image by Alexandra Tyukavina/Shutterstock. Republic of Congo (Congo Brazzaville), 2014.

BRAZZAVILLE, 12 Nov (NAC) – Le département de la Likouala, à l’extrême nord du pays, dans la forêt équatoriale, est reconnu pour ses richesses mellifères. En raison de la demande galopante, c’est aujourd’hui la ruée vers l’or vert. Mais les récolteurs de miel, en majorité les peuples autochtones Baka, ont encore recours au feu ou à la coupe des arbres, seules méthodes à leur portée. Ces techniques ancestrales entrainent des dégâts énormes sur les abeilles et sur leur habitat. Pour préserver ces insectes, les acteurs de ce secteur multiplient des initiatives qui vont de la sensibilisation à la promotion de l’apiculture. Blanche Simona s’est rendu à Izato, l’une des localités d’extraction du Miel, située dans le district de Dongou, département de la Likouala à près de 2000 km au nord de Brazzaville, capitale administrative et politique de la république du Congo.

«Quand nous trouvons une ruche, si l’arbre est difficile à grimper, nous le coupons, pour nous débarrasser des abeilles, nous mettons le feu  », avoue  Gaby, un autochtone récolteur de miel à Izato. « Des milliers d’abeilles périssent dans les braises », ajoute de son côté Saddam, son voisin bantou, avec qui, il partage un litre d’alcool à base de maïs appelé « Lotoko » en langue locale.

A l’ombre d’un avocatier, les deux hommes se plaignent de la saison qui a été moins fructueuse. Gaby confie qu’en général lorsque la saison est bonne, il extrait 350 kg de miel par mois, qui sont ensuite vendus aux acheteurs qui viennent des villes du Congo et même du Cameroun, mais cette fois il n’a même pas récolté la moitié. Pourtant, il refuse de croire que cette baisse résulte de leurs mauvaises pratiques et pensent dur comme fer que les abeilles ne peuvent pas disparaitre. « Lorsqu’on coupe un arbre comme celui là-bas, les abeilles migrent ailleurs mais ne peuvent pas disparaitre », soutient Gaby.

Louis Ndzéka, vient de Dongou avec deux récolteurs autochtones, Ebéba et Ndzéndo. La veille, il a repéré trois ruches à partir desquelles, il va extraire le miel cet après- midi. Avant, il doit arroser le pied d’un gros arbre d’un litre d’alcool « Lotoko ». Ce rituel a couté 25000 FCFA au porte-monnaie de l’équipe de reportage, « Avant de pénétrer dans la forêt, j’implore la clémence de mes ancêtres pour qu’ils nous ouvrent la voie, c’est notre coutume, sinon nous pouvons nous égarer ou  sortir bredouille », avance-t-il, perdu dans ses croyances.

Des troncs d’arbres barrent la voie le long du chemin. « Ce sont ceux coupés pendant la récolte passée », informe Louis Ndzéka qui après deux heures de marche, arrive avec son équipe au niveau de l’arbre qui semble abriter le miel, et reconnait que celui-ci (le miel), devient difficile à trouver. « Avant on le  récoltait derrière nos cases,  les colonies se sont éloignées à causes  des récolteurs qui  coupent les arbres », se plaint-t-il.

Moderniser le secteur du miel au Congo

La situation des abeilles au Congo n’est  pas encore menacée, mais vu le nombre croissant des récolteurs artisanaux, les acteurs de ce secteur pensent qu’il faut anticiper. Aussi, le directeur départemental de l’économie forestière de la Likouala, Albert Itoumba et son équipe, mènent-ils de campagnes de sensibilisation dans les campements. Selon lui, cette activité est difficile à contrôler car les récolteurs sont inorganisés et il est impossible de savoir combien exercent dans la Likouala.

En outre, le produit qui sort des campements échappe à ses services, une faible quantité de 4 tonnes seulement étant enregistrée par an. D’où, le directeur départemental de l’économie forestière dans la Likouala, plaide-t-il pour « La modernisation du secteur du miel au Congo afin de préserver les abeilles du massacre ». Par ailleurs, le fonctionnaire pointe du doigt l’exploitation forestière, les activités agricoles et l’habitat qui sont aussi la cause de la destruction des abeilles et de la déforestation.

Au Centre de valorisation des produits forestiers non Ligneux (CVPFL), une structure du ministère de l’économie forestière, la sensibilisation est couplée à la formation des communautés à l’activité apicole. Depuis 2016, grâce à un appui financier de près de 400 millions de FCFA, accordé par la Banque mondiale, le CVPFL a formé huit mille personnes (8.000) à l’apiculture dans les départements du Kouilou, du Niari, du Pool au sud du Congo ainsi que dans ceux de la Cuvette, la Sangha et la Likouala dans la partie septentrionale du Congo qui compte dix mille (10.000) ruches actuellement.

« Nous commençons de zéro, lorsque vous allez dans la base de données de la FAO, aucune sur la production du miel au Congo n’est disponible. Avec 10.000 ruches c’est un bon début de l’apiculture », se réjouit le chef du CVPFL, Thédy Francis Adoua Ndinga, qui se dit par ailleurs satisfait du message qu’il véhicule et de l’adhésion au projet. « Lorsqu’ils  déciment une colonie, ils perdent le miel de demain alors que  lorsqu’ils adoptent une technique de domestication, ils élèvent les abeilles qui vont leur donner du miel chaque saison », explique-t-il.

Une timide prise de conscience

La sensibilisation semble porter de fruits. En effet une timide prise de conscience  germe à Izato. Gaby et Saddam viennent d’apprendre que c’est l’action des abeilles qui donne les fruits, les légumes et beaucoup d’autres plantes  qui les entourent, et qu’à force de les tuer et de couper les arbres, elles peuvent disparaitre, avec eux la sécurité alimentaire. L’opinion de Saddam a changé, l’air pensif, le récolteur décide de ne plus utiliser ces méthodes.  « Le miel est la richesse de notre village, je vous crois. C’est peut-être parce que nous avons coupé les arbres en excès et tué trop d’abeilles que la récolte était mauvaise cette saison », regrette-t-il.

Louis Ndzéka et son équipe ont opté pour l’utilisation d’une enfumoir traditionnel à base des braises emballées et attachées dans des feuilles fraichement cueillies : « L’Etat nous interdit de couper les arbres, de mettre le feu aux ruches.  La fumée paralyse les abeilles mais ne les tue pas. Si nous utilisons le feu, les abeilles ne viendront plus et nous perdons le miel », commente de son côté Ebéla.

Pour le chef du Centre de valorisation des produits forestiers non Ligneux, l’unique moyen efficace pour protéger et préserver les abeilles, reste leur domestication et l’apiculture est une source de revenus sure. « Avec l’apiculture nous allons lentement et surement vers la préservation des abeilles », assure  Adoua Ndinga  avant de  rappeler néanmoins que « toute ressource finit  par s’épuiser un jour » et que « nous devons adopter des techniques culturales biologiques très protectrices de l’environnement et de nos abeilles ».

NAC/Blanche Simona avec le soutien du Rainforest journalist Fund en partenariat avec le Pulitzer Center.